Tribune JL Baroux – Les défis des transporteurs nordiques

Il fut un temps, pas si lointain, où les compagnies nordiques suscitaient l’admiration des autres acteurs européens. C’était à l’époque où SAS (Scandinavian Airlines System) pouvait être désignée comme la meilleure compagnie aérienne au monde au milieu des années 1980, et où Finnair développait son réseau entre l’Europe et l’Asie en faisant passer les passagers par Helsinki. Il convient de rappeler que ces compagnies nordiques figurent parmi les plus anciennes au monde. SAS a été fondée en 1946, Icelandair en 1937 et même Finnair en… 1923. Malgré des conditions climatiques difficiles et des marchés intérieurs très restreints, ces opérateurs ont su résister au temps en devenant des exemples de ponctualité et d’accueil client. Malheureusement, les temps ont beaucoup changé, sauf pour Finnair qui semble bien s’en sortir.

Comme tous les opérateurs classiques, ces entreprises ont subi de plein fouet la concurrence des transporteurs à bas coût au milieu des années 1990, lorsque l’espace aérien européen s’est ouvert. Les nouveaux venus, armés de leur modèle basé sur des services réduits, des revenus additionnels, des avions récents et un personnel géré sans le poids de l’ancienneté, ont pu proposer des tarifs incroyablement bas, voire peu réalistes pour les transporteurs traditionnels. Ces derniers étaient habitués à vendre leurs services à un prix élevé à une clientèle certes restreinte mais fidèle, en offrant un produit coûteux à gérer mais reconnu pour sa fiabilité. Cependant, des acteurs venus souvent de l’étranger ont commencé à pénétrer leurs marchés, capables d’opérer sur leurs territoires avec des tarifs que les compagnies traditionnelles ne pouvaient pas égaler, car leurs coûts de production, leur mode d’exploitation et même leur culture étaient en décalage avec ces nouvelles offres.

Les anciens opérateurs ont essayé de se défendre et, avouons-le, ils y sont parvenus avec un certain succès jusqu’aux ravages provoqués par le Covid. Prenons SAS comme exemple, qui s’est retrouvée dans une situation très compliquée à cause de la fragmentation de son capital entre trois pays, dont la Norvège, qui a annoncé son retrait. Personne ne s’est manifesté pour s’intéresser à une compagnie considérée comme vieillissante, bien que cela ne soit pas tout à fait exact. Cela l’a conduite à se soumettre aux exigences du Chapter 11, ce qui, en passant, lui a permis de se réorganiser et d’attirer le groupe Air France/KLM, qui a été largement soutenu par des fonds publics pour retrouver sa compétitivité. Par conséquent, l’indépendance farouche de SAS va être considérablement compromise par son affiliation avec le transporteur franco-néerlandais.

Le choc “lowcost”

Au cœur de l’Atlantique, en Islande, les compagnies « low cost » ont dû faire face à la réalité. Tandis qu’Icelandair poursuit son chemin, les nouveaux venus ne restent que peu de temps. Récemment, le 25 septembre, la société PLAY, fondée en juillet 2019, a annoncé sa faillite et a cessé ses opérations presque sans préavis. Son concept reposait sur la vente de vols transatlantiques à bas prix, avec une escale à Reykjavik. Il est vrai que la géographie était respectée, car presque tous les vols entre l’Europe et l’Amérique du Nord survolent cette île.

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Cependant, Icelandair adopte le même modèle en s’appuyant sur des méthodes traditionnelles, notamment dans sa manière de distribuer ses services. Bien que cela puisse sembler démodé de continuer à utiliser les GDS et les agents de voyages, se libérer de ces systèmes et entrer sur le marché nécessite des investissements commerciaux importants, notamment pour acquérir des positions sur les réseaux sociaux. De plus, les clients commencent à devenir méfiants. Ils ne veulent plus acheter de billets sans connaître leur transporteur, d’autant plus que ces nouvelles compagnies sont souvent mal financées et ne disposent que de la trésorerie générée par des clients contraints de régler leur billet longtemps à l’avance pour bénéficier de tarifs qui ne couvrent pas les coûts réels. Ainsi, les clients de PLAY auront toujours la possibilité de mettre en valeur leur billet, ce qui leur laissera un souvenir amer.

Les passagers de WOW, une compagnie islandaise fondée en novembre 2011, ont vécu une expérience similaire, car elle a été liquidée dans des circonstances identiques à celles de PLAY le 28 mars 2019. On peut également mentionner PRIMERA AIR, qui a déposé le bilan le 2 octobre 2018, ainsi que la branche long-courrier de NORWEGIAN, qui a également cessé ses activités en 2020. Cela représente un nombre considérable d’incidents. La réputation des transporteurs nordiques est gravement affectée. Pendant longtemps, les compagnies du sud de l’Europe étaient critiquées pour leur gestion instable, mais il semble maintenant que les opérateurs du nord de l’Europe rencontrent les mêmes problèmes. Le secteur aérien est particulièrement complexe, et sa croissance ne doit pas faire oublier qu’il faut des bases solides pour lancer une nouvelle compagnie.

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